Près de 8 ans avant son procès…c’est déraisonnable!

Près de 8 ans entre le moment de l’arrestation et le procès 

Dans le présent dossier, la défense présente une requête en arrêt des procédures pour violation de l’article 11 b) de la Charte canadienne des droits et liberté. Cet article stipule qu’un accusé a le droit « d’être jugé dans un délai raisonnable ».

3 accusations portées

On reproche à l’accusé d’avoir conduit son automobile avec les facultés affaiblies, d’avoir conduit avec un taux d’alcoolémie dépassant plus de 80 mg/100 ml de sang (le fameux 0,08) ainsi qu’un chef d’accusation de conduite dangereuse. Les événements se déroulent le 26 octobre 2004.

Le début des procédures

Le 25 mars 2005, l’accusé comparait à la Cour. Ce jour-là, le Juge reporte la comparution de l’accusé au 4 avril suivant, vu que l’accusé n’est pas représenté par un avocat et que le procureur de la poursuite a l’intention de déposer un avis de récidive (avis de condamnation antérieur) ce qui, dans le cas où l’accusé serait condamné, signifie une sentence d’emprisonnement.

Le 4 avril 2005, l’accusé ne se présente pas à la Cour. Un mandat d’arrestation est donc émis contre lui.

Ce n’est qu’en décembre 2012, donc près de 8 ans plus tard, que le mandat sera exécuté.

En effet, en décembre 2012, un agent de la Sureté du Québec l’avise qu’un mandat d’arrestation a été émis contre lui en 2005. L’accusé se rend alors par lui-même et il est amené devant un juge de paix. Comme le procureur de la couronne s’objecte à sa remise en liberté, une enquête caution est tenue 5 jours plus tard et ce n’est qu’à ce moment que l’accusé reprend sa liberté..

« Je ne me rappelle de rien parce que ça fait trop longtemps »

L’accusé justifie son absence au tribunal par le fait qu’il n’a reçu aucune convocation écrite pour se présenter à la Cour.

Depuis son arrestation en 2004, l’accusé a la même adresse de résidence ainsi que le même numéro de téléphone.

L’accusé ne se souvient pas de ce qu’il a fait le jour de son arrestation en octobre 2004.

Les principes juridiques applicables

des délais vraiment déraisonnables« En 1992, dans l’arrêt La Reine c. Morin, la Cour suprême décide que dans l’évaluation du caractère raisonnable du délai à l’intérieur duquel un accusé subit son procès, il faut tenir compte des quatre facteurs ci-après énumérés :

  • la longueur du délai;
  • la renonciation au délai par la défense;
  • le ou les motifs du délai;
  • le préjudice subi par l’accusé;
  • les intérêts que l’alinéa 11 b) de la Charte canadienne des droits et libertés   visent à protéger.

Il est acquis que l’arrêt des procédures est une réparation inhabituelle. L’accusé qui demande un remède de la sorte a le fardeau de la preuve de convaincre le tribunal en premier lieu, que le délai entre le dépôt des accusations et la date du procès apparaît à tout le moins être déraisonnable. Le délai de 92 mois dans le cas de monsieur Bossé revêt ce caractère qui mérite une analyse. »

Toujours dans l’affaire Morin, le juge Sopinka déclare « qu’on peut déduire qu’il y a eu préjudice en raison de la longueur du délai. Plus le délai est long, plus il est vraisemblable qu’on pourra faire une telle déduction. »

Application des principes dans le présent dossier

Dans le présent cas, l’on peut qualifier les délais d’exceptionnels. De plus, il est important ici de préciser que le juge a déclaré que l’accusé ne pouvait être tenu responsable des délais et que la poursuite devait en assumer l’entière responsabilité.

L’accusé était dans l’ignorance du fait qu’il faisait l’objet d’un mandat d’arrestation.

Malgré le fait qu’il est de la responsabilité de l’état d’amener un accusé à procès dans un délai raisonnable, la poursuite  n’a offert aucune explication concernant la non-exécution du mandat d’arrestation.

Le Juge Denis Paradis, de la Cour du Québec (Chambre criminelle et pénale) du district de Kamouraska ordonne donc l’arrêt des procédures dans la présente affaire d’alcool au volant et de conduite dangereuse vu les délais déraisonnables dans la présente cause.

Référence: La Reine c. Bossé [2013] J.Q. no 15790 (date du jugement : 26 juillet 2013)

Me Micheline Paradis, Avocate
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